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Verbomoteur: Propriétaires de VUS, vous êtes les – seuls - responsables de la hausse des émissions en 2020!

En 2020, tous les secteurs de l'économie mondiale ont su réduire leur empreinte carbone. Sauf un : celui des véhicules utilitaires sport.

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J’ai des petites nouvelles pour vous, propriétaires de VUS: c’est votre faute. C’est entièrement votre faute, celle de personne d’autre. Vous – et vous seuls – êtes les grands responsables du fait qu’en 2020, nos automobiles ont pollué plus que jamais. Oui, oui, l’an dernier, nos véhicules ont rejeté plus d’émissions de dioxyde de carbone en dépit du ralentissement pandémique – et en dépit des grandes avancées en rendement énergétique qu’ont connu nos moteurs à combustion interne ces dernières années.

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Bon, pour ceux d’entre vous qui cherchez déjà la section des commentaires (ci-dessous!) afin d’y déverser votre colère, épargnez-vous cette peine; je ne suis que le messager. Et le message est simple : l’Agence internationale de l’énergie (AIE), l’un des organismes les plus nobles à se pencher sur l’avenir de l’énergie et de la mobilité, soutient qu’en 2020, tous les secteurs de l’économie ont enregistré une diminution de leurs émissions de CO², à l’exception d’un seul – celui des VUS.

Si spectaculaire est l’augmentation du nombre de VUS qui circulent sur la planète qu’ils auraient complètement annulé l’effet, pour ne pas dire l’effort de réduction des émissions de CO² de tous les véhicules électriques (VÉ) vendus jusqu’à présent, déclare l’AEI : « La chute de la demande en pétrole attribuable à la part de marché grandissante des véhicules électriques – environ 40 000 barils par jour en 2020 – a complètement été oblitérée par la croissance des ventes de SUV au cours de la même période. »

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Ce n’est pas rien, puisque du même souffle, Laura Cozzi, modélisatrice en chef de l’énergie à l’AIE, révèle que le recul pandémique a permis aux émissions mondiales liées à l’énergie de chuter d’environ 7 % : « C’est la plus forte baisse de l’histoire – et c’est cinq fois plus qu’au lendemain de la crise financière de 2009 », dit-elle.

Malgré l’effet réducteur de la pandémie sur l’utilisation globale des voitures, « les SUV ont consommé plus de pétrole l’année dernière qu’à l’année précédente, » affirme encore Mme Cozzi. De fait, tout le pétrole qui n’a pas été consommé en 2020 en raison des mesures de confinement liées à la COVID-19, l’a été parce que « les ventes de VUS énergivores ont atteint un record de 42 % du marché automobile mondial l’an dernier ». L’AIE affirme même que « dans les économies développées, les VUS ont été le seul poste de croissance des émissions polluantes liées à l’énergie au cours de la dernière décennie ». Dans tous les autres secteurs, que ce soit la production d’électricité, le chauffage des bâtiments, la fabrication et l’industrie lourde – y compris toutes les autres formes de transport , les émissions de CO² ont diminué ou sont restées stables.

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Dit autrement : on a peut-être moins roulé en 2020, mais on a largement neutralisé ces gains en conduisant des véhicules toujours plus gloutons.

En parcourant l’étude de l’AEI, quelques points me sont venus à l’esprit. Le premier – et à mon avis le plus flagrant – est l’hypocrisie dont font preuve les consommateurs. Sondage après sondage, ils disent vouloir faire leur part en se convertissant à l’électromobilité, mais lorsque vient le temps de substantiellement réduire leur empreinte environnementale, ils optent plutôt pour de gros utilitaires sport qui dilapident encore plus d’essence.

2021 Chrysler Pacifica Pinnacle
2021 Chrysler Pacifica Pinnacle

Le second point, la principale – et oh combien simple – explication derrière ce gaspillage, à en croire Timothy Cain, notre gourou en résidence de la statistique automobile, c’est qu’on ne supporte tout simplement pas de se voir – ou de se faire voir au volant d’une fourgonnette. De fait, révèle Cain dans sa plus récente livraison (en anglais seulement), la transition vers les VUS à sept rangées s’est faite au détriment des minivans (qui traditionnellement consomment moins de carburant). Uniquement l’an dernier, dit notre collègue, les ventes de fourgonnettes ont chuté de 29 % tandis que celles d’utilitaires à sept ou huit passagers, tels le Ford Explorer, le Toyota Highlander et le Volkswagen Atlas, ont augmenté – quelle coïncidence – de 30 %.

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Peut-être plus important encore, l’enjeu des besoins énergétiques pour propulser un VUS ne disparaîtra pas avec les moteurs à combustion. On ne s’en sortira pas : déplacer de (plus larges) pans d’acier, ça prend du power , que cette puissance provienne de combustibles fossiles ou d’une batterie.

Ce qui m’amène au dernier point : la capacité des batteries – et ce qu’elles pèsent dans la balance. Pour le moment, la pile la plus généreuse qui monte à bord d’une berline traditionnelle est d’environ 100 kWh. Selon l’AIE, la capacité moyenne des batteries tourne autour des 50kWh, mais en Amérique du Nord, elle est nettement plus élevée. (L’Agence doit inclure les VBV, ces pout-pout à basse vitesse que la Chine impose à ses citoyens.)

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Une constante demeure : les batteries doivent être pas mal plus volumineuses afin d’alimenter les VUS électriques. Celles qui logent dans le Mustang Mach-E, nouveau VUS relativement compact de Ford, amorcent le bal avec 75,7 kWh. Dans la cour des Grands – les Rivian, GMC Hummer et autres mastodontes – on projette déjà de rejoindre les 200 kWh.

Et alors, dites-vous? Eh bien, on parle de plus ou moins 1100 kilogrammes de batteries. Pour ceux encore allergiques au système métrique, dites-vous que c’est près de 2500 livres de lithium, de cobalt et de nickel, uniquement pour propulser nos (gros) egos. Bien sûr, cette estimation comprend le boîtier renfermant les accumulateurs et le liquide de refroidissement requis pour maintenir toutes ces belles cellules au frais, mais reste que les métaux (semi) rares essentiels à la réaction électrique devraient peser autant qu’une Mazda MX-5.

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Oui, vous avez bien lu. Et pour vous le prouver, je vous conduis vers une seconde étude, bien que moins incendiaire, également publiée par l’AIE : Le rôle des minéraux essentiels dans les transitions énergétiques propres . Selon le directeur général de l’Agence, le Dr Fatih Birol, un véhicule électrique typique exigera six fois plus de minéraux qu’un véhicule conventionnel. Et pour ces centrales éoliennes qui iront s’établir aux larges de nos zones côtières, question que l’on puisse se vanter de réseaux d’énergie toujours plus verte, elles réclameront neuf fois plus de minéraux qu’un centrale au gaz. En fait, d’ici vingt ans, dit l’AIE, nous aurons besoin de 40 fois plus de lithium que ce que nous produisons aujourd’hui – en majeure partie pour les VÉ – et de 20 à 25 fois plus de graphite, de cobalt et de nickel.

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Plus troublant encore, l’AIE fait remarquer que « la production de nombreux minéraux de transition énergétique est géographiquement plus concentrée que celle du pétrole ou du gaz naturel ». Par exemple, la Chine traite 90 % des terres rares mondiales (actuellement utilisés dans environ 80% des moteurs électriques automobiles) et 60% de notre lithium. Le Congo extrait près des trois quarts du cobalt planétaire, alors que l’Indonésie se taille la part du lion dans l’extraction du nickel.

Et… que ferons-nous de tous ces lithium-ions une fois leur énergie épuisée? L’AIE évalue à quelque chose comme 1200 gigawatts/heures la quantité de batteries usagées qui devront être recyclées d’ici 2040 – encore une fois, la majorité provenant de nos VÉ. On pourrait bien essayer de vous dire combien cela représente de plus qu’aujourd’hui, sauf qu’aucune comparaison n’est possible : primo, nous consommons si peu de VÉ à l’heure actuelle et secundo, on n’a même pas encore commencé à véritablement en recycler les batteries.

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Tout ceci pour dire que même si les partisans des VÉ promettent une circulation fluide vers la mobilité électrique, des nids-de-poule commencent déjà à trouer la chaussée. Consommer, pour ne pas dire consumer, plus que nécessaire nos précieuses sources d’énergie uniquement parce qu’on insiste pour conduire un VUS ne fera qu’exacerber la déroute qui nous attend.

The 2024 GMC Hummer EV SUV
2024 GMC HUMMER EV Photo by GMC

Et penser qu’il n’y aura pas de répercussions insoupçonnées au fait de propulser au lithium-ion toutes les voitures de la planète, c’est jeter par la fenêtre toutes les leçons que l’histoire nous implore d’assimiler.

Charles « Boss » Kettering, l’homme derrière le moteur à haute compression moderne, n’a pas commencé à intégrer du plomb tétraéthyle dans l’essence parce qu’il souhaitait abaisser de quelques points le QI des enfants américains. Il l’a fait parce que c’était alors la meilleure technologie pour augmenter à la fois les performances et l’efficacité énergétique. De même, je peux vous assurer que les activistes européens qui ont tant vanté les mérites du gazole auprès de l’Union Européenne l’ont fait avec les mêmes intentions vertueuses – après tout, les moteurs diesel réduisent considérablement la production de CO2 par rapport aux moteurs à essence – que ceux qui exigent aujourd’hui le passage à l’alimentation par batteries. Et tout comme autrefois on nous promettait une conversion sans problème vers les nouvelles technologies de l’époque, les partisans des VÉ envisagent un avenir en Technicolor, sans conséquences négatives.

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Je l’admets, je n’ai aucune espèce d’idée des ramifications d’une conversion à part entière vers l’électromobilité. Ce que je sais, cependant, c’est que dans 20 ans — peut-être même plus tôt — nous serons ici, dans ces pages, à discuter d’effets secondaires que nous ne pouvons pleinement concevoir aujourd’hui. D’ici là, il est utopique de croire que le simple fait de transiter aux véhicules électriques nous permettra de continuer à gaspiller comme nous le faisons.

Pensez-y lorsque vous songerez à acheter un (autre) VUS gargantuesque pour vous permettre d’aller récupérer vos enfants à l’entraînement de soccer avec style.