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Verbomoteur: On s’en va vers l’essence à 2$ le litre

Fini, le carburant bon marché. Un déficit dans les investissements et une demande en hausse impliquent que nous allons bientôt payer des prix record à la pompe.

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Inscrivez (bien) le 1er décembre 2022 à vos calendriers. C’est la date à laquelle Dan McTeague, président de la Canadians for Affordable Energy – celui qui voit et qui révèle tout du prix de l’essence au Canada – prédit que l’indice d’octane 87 atteindra la barre (pas si tant) magique des 2$ le litre. Ce sera deux fois plus qu’il y a à peine 14 mois. Et sans aucun doute, ce sera un choc pour les consommateurs qui croyaient que «le gaz pas cher» – comme les faibles taux d’intérêt, d’ailleurs – était là pour rester.

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Bien qu’on ingurgite régulièrement, pour ne pas dire… ordinairement la hausse des prix du carburant, la manière dont nous avons basculé dans cette pénurie (rappelez-vous, nous parlions jusqu’à tout récemment d’une surabondance de pétrole…) est une histoire de déni des médias, de manipulation du marché et de suppression complète des lois fondamentales de l’offre et de la demande.

Allons-y d’abord avec la mathématique derrière cette plus récente crise pétrolière. Au moment d’écrire ces lignes, le prix du baril oscillait autour des 80$US. À Toronto, ma ville d’adoption, le litre tourne autour du 1,45$. Dans ma province natale, le litre s’est payé en moyenne 1,48$ la semaine dernière, dit CAA-Québec .

Cela dit, le consensus veut que le baril à 100$US soit à nos port(ière)s et, selon McTeague, ce bond de 20$US pour chaque 159 litres va relever nos prix à la pompe de 25 cents. Voilà qui porterait le prix de l’essence régulière à 1,70$ pour les marchés précités.

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Mais attendez; comme le dirait un vendeur d’info-publicité télévisée, il y a plus! D’abord, on doit tenir compte de la taxe sur le carbone du gouvernement Trudeau – ce qui, toujours selon McTeague, représente près de trois cents pour chaque 10$ la tonne. Nous en sommes donc à 1,73$ le litre (et ça ira en augmentant chaque année).

Puis, comme le souligne encore McTeague – avec une pincée de rancœur, soit dit en passant, la Norme nationale sur les combustibles propres doit entrer en vigueur le 1er décembre 2022. Officiellement «un élément important du plan climatique du Canada visant à réduire les émissions, à accélérer l’utilisation de technologies et de combustibles propres et à créer de bons emplois dans une économie diversifiée», la NCP n’est de fait qu’une taxe déguisée en crédits d’assainissement de l’air Et ça va coûter moyennement cher, vont découvrir les automobilistes canadiens.

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Déjà en place en Colombie-Britannique, la norme provinciale sur les carburants à faible teneur en carbone exige que les producteurs d’essence achètent des crédits afin de compenser leurs activités supérieures à la réglementation. Il y a six ans, un seul crédit de la C.B. valait plus ou moins 100$. Aujourd’hui, le prix courant est d’environ 470$, ce qui équivaut à 16 cents supplémentaires le litre – et même 18 cents, une fois la taxe de vente appliquée, nous dit McTeague.

En supposant que le crédit NCP à l’échelle nationale émule celui de la province de l’Ouest – et c’est ce que prévoit McTeague qui, répétons-le, est l’un des analystes de l’industrie pétrolière le mieux informé au Canada – ​​nous nous approchons de la barre des 2$. Pour être très exact, on parle de 1,91$ le litre, mais ajoutez une demande un peu plus forte et un peu (plus) de cupidité de la part des compagnies pétrolières et les Canadiens engloutiront deux dollars dans chaque litre d’essence.

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Le plus effrayant dans cette histoire, c’est que l’essence à 2$ le litre pourrait être la bonne nouvelle. En effet, alors que la majorité d’entre nous est trop heureuse d’ignorer les bonnes vieilles lois de l’offre et de la demande, Adam Rozencwajg, l’associé directeur de la newyorkaise Goehring & Rozencwajg et qui n’a plus à prouver la justesse de ses prédictions, a consacré les 12 derniers mois à surveiller le marché des hydrocarbures. En tenant compte de la production actuelle de pétrole et, plus important encore, de celui qui peut l’être dans un proche avenir, Rozencwajg relaie que les bonzes de la finance envisagent un prix grimpant à 150$US, voire à 200$US le baril.

Comment diable arriverons-nous à 200$US le baril? Pas plus loin qu’en avril 2020, le brut du West Texas Intermediate se vendait pour aussi peu que 20,10$US le baril!

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Certes, c’est l’un des plus grands euphémismes de dire que la formule qui sous-tend la fixation des prix de l’or noir est compliquée. Quand même: comme me l’avait souligné Rozencwajg lors d’une entrevue il y a un an déjà, l’exploration de nouvelles réserves avait déjà commencé à s’assécher avant même que ne frappe la pandémie en 2020. La COVID-19 a ensuite mis ce nous pensions tous être un frein à long terme à la demande. Du coup, l’exploration s’est davantage amenuisée, en particulier aux États-Unis.

Mais voilà: nous avons renoué beaucoup plus rapidement que prévu avec la croissance et, par conséquence, avec l’augmentation des importations de pétrole américain. Aussi récemment qu’en avril 2020, les États-Unis exportaient jusqu’à 2,3 millions de barils par jour; 18 mois plus tard, ils en importent 1,7 million barils au quotidien. Et pendant ce temps, la demande en Chine aurait explosé de 1,4 million de barils par jour de plus qu’en 2019, année pré-pandémique. À l’échelle mondiale, soutient Rozencwajg, le marché pétrolier est déficitaire de 1,2 million de barils par jour, «la valeur la plus élevée jamais enregistrée».

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La géopolitique a par ailleurs fait dérailler le côté «offre» de l’équation. Si les investissements dans l’industrie pétrolière ont dégringolé, c’est principalement parce que les investisseurs boudent l’exploration. Les grands principes de l’économie veulent que lorsque le prix d’un produit augmente, les mises de fonds pour son approvisionnement augmentent également. Mais selon The Economist , contrairement à d’autres ressources en forte demande – le cuivre et le lithium, par exemple – les dépenses en immobilisations dans le secteur qui nous concerne, y compris les nouveaux forages, ont été coupées de moitié par rapport à il y a six ans.

Rozencwajg explique que ce resserrement autodestructeur des dépenses est en grande partie attribuable à des groupes d’investisseurs activistes. À titre d’exemple, il cite le cas d’Engine No.1, un fonds spéculatif environnemental qui n’a même pas encore célébré sa première année d’existence; et ExxonMobil, le plus grand producteur de pétrole de la planète qui n’arbore pas le drapeau saoudien. À travers les péripéties du vote par procuration – et vraiment, vous ne voulez pas qu’on s’embarque là-dedans – Engine No.1, avec seulement 0,02% des actions d’ExxonMobil, a réussi à obtenir trois sièges au conseil d’administration. La prochaine cible est Chevron, prévient Rozencwajg, avec pour objectif, dans les deux cas, d’étouffer l’approvisionnement en pétrole.

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Bon, avant que les écologistes ne se mettent à célébrer cette compression des prix comme étant le Pays des Merveilles où il fera bon suivre les activistes, sachez que l’une des principales résultantes de toutes ces machinations a été de remettre l’OPEP+ aux commandes du marché mondial du pétrole. Entre la demande en hausse et le militantisme qui a fermé le robinet aux investissements non-OPEP, nous nous retrouvons au bord du même précipice que dans les années 1970.

Même que ça pourrait être pire. Toujours selon l’analyse de Rozencwajg, si la demande revenait à son précédent pic de 101 millions de barils par jour, il n’y aura carrément pas assez de pétrole pour tout le monde. Il pourrait alors s’agir de LA crise pétrolière qui mettrait fin à toutes les (autres) crises pétrolières. Comme le rappelle notre expert, les précédentes pénuries étaient artificielles; quelqu’un, généralement les Saoudiens, avait réduit l’offre dans l’intention délibérée de faire croître les prix. Le pétrole se trouvait en quantité suffisante afin de répondre aux besoins, mais «quelqu’un » avait simplement choisi de ne pas nous le vendre.

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Imaginez maintenant une conjoncture dans laquelle les Saoudiens ne voudraient pas nous prendre en otage, mais ne pourraient pas produire suffisamment de pétrole. Dans ce qui est peut-être sa plus sombre hypothèse à ce jour, Rozencwajg prévoit que, pour la toute première fois depuis les débuts du forage de pétrole américain en 1859, nous pourrions ne pas être en mesure d’extraire assez de pétrole, quand bien même l’OPEP pompait tout ce qu’il pouvait de ses sols. Dans le discours officiel de l’analyste, ça émane comme suit: «Si nos modèles continuent de s’avérer, les marchés mondiaux du pétrole devraient rester déficitaires même si l’OPEP+ revenait à ses niveaux de production les plus élevés de tous les temps.» Voilà pourquoi Rozencwajg jauge que le baril rejoindra les 200$US au cours des trois prochaines années.

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Contrairement aux crises pétrolières d’antan, je ne suis pas certain que nous allons tirer des leçons de celle-ci. Les pénuries passées, et les plus vieux s’en souviendront, avaient pavé la voie à toutes sortes de révolutions technologiques et réglementaires. Les normes américaines CAFE ( Corporate Average Fuel Economy ) étaient la conséquence directe de l’embargo de 1973, tandis que le moteur quatre cylindres turbocompressé n’aurait peut-être été qu’un anachronisme pittoresque chez Saab s’il n’y avait pas eu le second choc en 1979.

En dépit des préoccupations canadiennes pour les prix de l’essence, je soupçonne cette fois que nous allons simplement ignorer la crise, comme nous l’avons fait pour celle des prêts immobiliers de 2007 et, plus récemment, pour le ralentissement pandémique. Je soupçonne que nous continuerons à conduire nos camionnettes énergivores comme si rien n’était. Vous voulez vous rassurer en me traitant de paranoïaque? Pas de problème; mais souvenez-vous que la flambée des prix dans l’immobilier n’a rien fait pour étancher notre soif de résidences de plus en plus chères. Et la dernière fois que je m’y suis intéressé, la feuille de contreplaqué à 130$ n’avait pas refroidi les ardeurs pour les (très) nombreux projets de rénovation.

Si les propriétaires de camionnettes empruntent semblable itinéraire, sans doute que les pleins de 200$ à la station-service ne freineront pas les ventes de pickups .

En tout cas, c’est vraiment le temps de commencer à se faire à l’idée de payer 2$ pour un litre de gaz